En 2019, nous avons répondu à l’appel à projets de l’UMS PatriNat (OFB-CNRS-MNHN) qui vise à combler les lacunes de connaissances naturalistes sur les espèces et les milieux au niveau national.

Sur la Côte d’Azur, entre Nice et Antibes, les fonds sédimentaires sont mal connus et abritent des espèces rarement observées en plongée.
Notre projet d’inventaire des Octocoralliaires des zones sédimentaires sablo-vaseuses de la région de Nice a permis de montrer la richesse de ces fonds.

Et parmi les espèces étudiées, nous avons pu confirmer la présence d’une nouvelle espèce de vérétille dans l’inventaire national français : la vérétille naine (Cavernularia pusilla) !

Cavernularia pusilla, une nouvelle espèce sur les côtes françaises ?

D’après les travaux de Lòpez-González et al. (2000) et leur révision complète du genre Cavernularia, C. pusilla peut être distinguée de la plupart des autres espèces de Cavernularia par son axe interne calcaire qui s’étend sur toute la longueur de la colonie.
Cependant, C. clavata et C. dedeckeri présentent ce caractère, mais la forme et la longueur des sclérites de la surface du rachis permettent de les distinguer. Pour C. clavata, les sclérites ont une forme de tige et une longueur inférieure à 0,55 mm (Lòpez-González et al., 2000). C. dedeckeri ne possède que de petits sclérites (moins de 0,13 mm de long) de forme ovale ou de tiges irrégulières (Williams, 1989). Chez les vérétilles de cette étude, les sclérites de la surface du rachis ont des formes d’aiguilles et tiges, et une taille intermédiaire (jusqu’à 0,37 mm), ce qui correspond à la description de Gili et Page (1987) pour C. pusilla en Méditerranée occidentale. De plus, C. clavata est confinée à l’Indonésie et à Taiwan, et C. dedeckeri en Afrique du Sud.

Cavernularia pusilla est une espèce atlantico-méditerranéenne (Vafidis et al., 1994). Elle a été décrite en Atlantique depuis le golfe de Gascogne jusqu’au au Sénégal (Williams, 1989). Dans l’Ouest de la Méditerranée, Gili et Pagès (1987) l’ont collecté à 200 mètres de fond sur le plateau catalan. Vafidis et al. (1994) l’ont rapporté pour la première fois en Méditerranée orientale (mer Égée). Ensuite, Abdelsalam (2014) l’a signalé dans les eaux égyptiennes et Sezgin et al. (2015) dans les eaux turques.

Et sur les côtes françaises ?

D’après les travaux de Williams (1989) et Altuna Prados (1994), Cavernularia subtilis Tixier-Durivault & Lafargue, 1968 serait un synonyme probable de Cavernularia pusilla sur les côtes françaises du golfe de Gascogne, au large de la Vendée-Charente-Maritime. De plus, Altuna et al (2008) ont montré sa présence à proximité, sur la côte basque espagnole.
En Méditerranée, Thomson (1929) a décrit un spécimen dragué sur un fond de 30 m, en 1906 en face de Monaco.
La présente étude vient donc confirmer la présence de l’espèce Cavernularia pusilla sur les côtes françaises méditerranéennes, espèce rarement observée et citée dans la littérature scientifique.

D’après Altuna et al (2008), C. pusilla vît sur des fonds de type sable vaseux et vase sableuse (riche en limon, argile et matières organiques). Les fonds entre Nice et Antibes sont identiques, des fonds sablo-vaseux et vaseux, liés à l’apport important en sédiment et matière organique provenant de plusieurs fleuves prenant leurs sources dans les Alpes du Sud (Var, Paillon, La Cagne, Le Loup, La Brague).

Dans la baie d’Algésiras (sud de l’Espagne), López-González (1993) a mentionné la présence de cette espèce à partir de 14 m de profondeur, le record le plus profond étant 200 m de profondeur au large de la Catalogne (Gili & Pagès, 1987). C. pusilla est une espèce néritique typique. Lors de cette étude, cette espèce a été rencontrée à faible profondeur, à partir de 7 m, dès l’apparition de sable vaseux. Ceci correspond à la profondeur la plus faible relevée pour cette espèce. A partir de 15-20 m, elle disparaît, juste avant la forte rupture de pente. Les profondeurs importantes à la base du tombant n’ont pour le moment pas permis de vérifier la présence de C. pusilla plus profondément.

Pour confirmer la détermination de Cavernularia pusilla, le Dr. Gary C. Williams, de l’Académie des Sciences de Californie à San Francisco, a été contacté. Il est l’un des experts mondiaux sur le groupe des octocoralliaires, des coraux des grands fonds et des récifs coralliens, ayant découvert plus de 100 espèces et 20 genres différents. Il valide donc la présence de l’espèce Cavernularia pusilla sur les côtes françaises méditerranéennes, ce qui va venir alimenter le Référentiel Taxonomique de l’INPN (TAXREF).

Plus d’informations sur la fiche DORIS : Cavernularia pusilla

Photos : Samuel JEGLOT / NaturDive